Fluctuat nec mergitur. Paris champion de France
par Mezetulle
Le Stade français s'est fait très peur lors de la finale du Top 14 remportée hier soir sur Clermont (23-18) en vérifiant la devise de Paris "Fluctuat nec mergitur"... il flotte et n'est jamais submergé. Je traduirais plus librement pour la circonstance : il boit la tasse en première mi-temps, puis sort la tête de l'eau en toussant, reprend son souffle, se souvient qu'il sait encore nager, retrouve son latin et arrache la victoire par deux essais (Pichot et Samo) transformés (Hernandez).
Car du flottement, il y en a eu en première mi-temps, pour tout dire calamiteuse côté parisien... Touches mal inspirées, mêlées en reculant, pénalités et drop manqués, et surtout l'absence de ce je-ne-sais-quoi qui fait qu'on y croit. Drapeaux roses en berne, figés dans un Stade de France principalement animé par les dynamiques supporters jaunes de Clermont, survoltés à juste titre car l'équipe de l'ASM Clermont est dominatrice, offensive, bien sur ses jambes et offre un très beau jeu qui se concrétise par un score on ne peut plus net et mérité à la mi-temps : 9-0 en faveur de Clermont, score aggravé de 3 points encore dans les premières minutes après la reprise.
Mais la seconde mi-temps a été ensuite le théâtre d'un retournement, avec un beau travail tactique du Stade, une excellente gestion des changements de joueurs (on appelle ça le coaching, non ?), une métamorphose physique et mentale qui s'installe et qui se matérialise dans un bouquet final.
Autant que dans l'expérience technique, c'est dans sa force morale, une morale toute simple qui ne cède ni à l'abattement ni à l'euphorie (mais j'y reviendrai, vous n'échapperez pas à un peu de philo...) que le SF est allé puiser sa victoire en surmontant un déficit de fraîcheur physique maintes fois souligné par la presse. Cette égalité d'humeur trouve son répondant efficace dans la régularité d'une saison exceptionnelle. Le treizième Brennus du SF ne s'est pas décroché, tel une fiente de pigeon, d'un ciel capricieux pour tomber sur la tête de Paris - c'est un trophée largement mérité qui lève et fleurit d'un sillon patiemment creusé sur les pavés!(1)
On en a vu de toutes les couleurs avec Christophe (photo ci-contre repiquée sur le blog de Greg lundi matin), le papa de Greg avec qui j'ai assisté au match depuis la tribune Est - très bien placés dans la longueur du terrain juste avant le virage Nord Est. Et quel fin commentateur ! J'ai savouré, grâce à lui, une analyse de match sur le vif. J'ai passé une excellente soirée et pas seulement parce que mes chouchous ont gagné. La satisfaction d'y comprendre quelque chose, d'avoir aussi un regard plus distancié, lucide, est bien plus agréable que la joie bête incapable de s'extraire de la glu de l'identification immédiate "on a gagné"... Merci Christophe pour ce regard serein, et aussi pour l'écharpe bicolore de la Finale Paris-Clermont !
Dans le RER à mon retour, une dame (pas tout à fait mon âge mais pas vraiment une minette) en bleu et jaune s'étonnait que les Parisiens une fois dans le métro n'exultent pas bruyamment et se contentent d'agiter les drapeaux roses avec un air béat et presque étonné : "vous ne faites pas la fête dans le métro ?" C'est que tout simplement ils ont eu peur et qu'ils n'en sont pas encore revenus ! C'est que peut-être comme moi ils goûtent le plaisir d'une victoire considérée avec un peu de recul. Et pourquoi écraser les autres quand on a senti pendant 70 minutes le vent du boulet?
C'est aussi, il faut le dire, qu'ils ont rendez-vous dimanche matin sur les Champs-Elysées pour fêter ça. Il va y avoir du rose pour enrubanner le bouclier de Brennus. La photo à droite a été prise lors de son passage à la fin du match, il faut vraiment le savoir : ça vous donne une idée de la nullité du reportage photo que je vais essayer de placer demain en album (2). J'espère que Christophe et Greg feront mieux sur le blog du Mini-jaune, ce ne sera pas difficile...
Greg ne pleure pas, j'ai confié à ton papa le tee-shirt rose que, suivant les conseils d'Ovalove, j'avais jeté sur mes épaules par-dessus le polo marine fleurdelisé. Il te le donnera de ma part et surtout dis-toi bien que c'est celui de La Choule avant d'être celui du Stade français. Plus une minisurprise jaune. Nous y étions !
Il est 2h, je vais me coucher, encore une rude matinée demain à arpenter les Champs-Elysées. C'est dur la vie de supporter, finalement.
Sommaire du blog
1 - Là, en me relisant, je trouve mon style un peu enflé... Je ne suis pas encore au niveau du Midol, mais le genre sublime n'est pas loin. Je suis sûre que Lio appréciera le rapprochement entre la charrue et le marteau-piqueur.
2 - Dimanche soir : l'album de la Fête du Brennus est en ligne. Voir aussi le match en photos sur le site de L'Equipe.